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L’ENTHOUSIASME

tant de batailles et retardant l’effort suprême que j’allais tenter.

Je reçus deux lettres de mère. L’une fut écrite le lendemain de mon départ :

« Je m’explique tout maintenant, et c’est ta détermination elle-même qui me dicte ma conduite. Tu as jugé ta présence impossible à Saint-Jore pendant quelque temps. Moi, je la juge impossible pour toujours. Si tu diffères d’avis, tu choisiras une autre demeure que la mienne. »

L’autre est postérieure d’une semaine.

« Pascal, je m’adresse à ta raison et au sentiment que tu as de tes devoirs de frère, sentiment qui, j’en ai la ferme conviction, n’est pas tout à fait obscurci. Il se présente pour Claire un excellent parti, un jeune homme très bien, d’une famille parisienne des plus honorables. Il peut ne pas répondre à tes idées et à tes goûts, mais il a ceux de tout le monde, ce qui est à mon point de vue la meilleure garantie.

« Je te prie donc, je t’ordonne, de ne pas user de ton influence sur Claire, au moment où le bonheur de sa vie est en jeu. La malheureuse enfant n’est déjà que trop disposée à considérer les choses sous un aspect qui n’est pas compatible avec son rôle de femme. Je sens en elle, quoique son caractère soit plus renfermé, le même esprit d’indépendance et de révolte qu’en toi, et peut-être un dédain de l’opinion, une insouciance à ce propos, plus absolus encore. Je suis interdite du peu qu’elle m’en laisse apercevoir.