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L’ENTHOUSIASME

Mon Dieu, ai-je souffert !

Un jour de soleil, en mars, nous étions sur le balcon, Claire et moi. Je lui confessais ma lassitude. Heureuse, pour la première fois, heureuse par Catherine, elle me parlait, je m’en souviens, des joies de tendresse et de confiance que l’enfant lui révélait. Tout à coup, Geneviève et Philippe débouchèrent de l’autre côté de la place. Je descendis aussitôt et les suivis.

Ils se promenèrent d’abord le long du boulevard, et les nombreux flâneurs de cette tiède après-midi les séparaient souvent : chaque fois que s’accentuait l’intervalle, un flot de gaîté m’inondait. Puis ils tournèrent par la rue principale. Devant le bureau de poste, Philippe quitta sa femme et entra.

Geneviève était seule ! Sans hésiter, je courus à elle.

— Va-t’en, Pascal… Philippe… Philippe qui est là… au télégraphe…

— Oui, je m’en vais… un mot… quand viens-tu ?

— C’est impossible… Philippe m’inquiète… nous sommes au plus mal… oh ! va-t’en… ces dames, en face, chez le pâtissier…

— Tu ne peux pas, Geneviève !… tu ne viendras plus, n’est-ce pas ? alors adieu, je te dis adieu…

— Toi, partir !

Elle les cria presque, ces deux mots ! Et un sursaut de révolte l’avait jetée contre moi, et elle pressait mes mains, toute vibrante d’énergie, et elle s’en souciait bien des dames de Saint-Jore !