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L’ENTHOUSIASME

dont la poursuite la passionne, elle tâchait d’ordonner les qualités et les défauts de Catherine, de développer les penchants propices, d’en rectifier d’autres qui n’étaient point exempts d’une certaine perversité, d’ennoblir cette âme et de l’harmoniser aux conditions d’existence qu’elle présageait pour elle. Mon rôle consistait à prêter des livres et quelquefois à en lire les meilleures pages. Notre choix était plutôt timide. Nous avancions prudemment, sentant bien que la nature de Catherine réclamait des ménagements et qu’il eût été dangereux de la traiter avec trop de hardiesse.

Or, j’appris de mère que l’on nous accusait à Saint-Jore d’enlever Catherine à l’affection de son père, de la dépraver par des lectures et des conversations pernicieuses, et de…

Je me souviens que mère ne put achever. Elle pleurait de honte.

Je fus indigné.

— Et tu dis souvent que les racontars les plus stupides ne naissent jamais sans cause : où est la cause, là ? Non, chez eux ; c’est de la bêtise et de la bassesse. Tu ne sais pas, au contraire, le scrupule que nous mettons à respecter ce qu’il y a de frais et de jeune dans Catherine.

— J’en suis persuadée, Pascal, mais les idées se communiquent sans qu’il soit nécessaire de les exprimer. Catherine a dû en subir la contagion, elle a dû parler comme on ne parle pas à son âge, contredire son père, s’émanciper… Ne se promène-t-elle