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L’ENTHOUSIASME

jetaient des éléments de déséquilibre. Elle admirait Claire avec une sorte de fanatisme. Elle l’aimait avec passion. Lorsque sa grande amie se livrait à un geste ou à une réflexion, ses beaux yeux toujours souriants devenaient graves, comme si elle eût assisté à la célébration d’un mystère.

Rien ne nous est plus profitable, au début de la vie, que d’inspirer une admiration. Claire la chérissait pour cela.

— Il faudra beaucoup d’années avant que je retrouve en quelqu’un la même foi qu’en elle.

— Et naturellement, disais-je assez inquiet, sa foi ne se rattache que de loin à tes facultés de bonne épouse ?

— Naturellement. Il va de soi que son ambition me réserve un autre avenir. Ce qui n’est en moi qu’à l’état de projet, à son point de vue est un fait acquis. Entre moi et la destinée qu’elle m’accorde, il n’y a pas d’obstacle.

— Prends garde… ne te laisse pas éblouir par l’enthousiasme d’une petite fille.

Elle la chérissait aussi parce que Catherine était belle et répondait à son désir de perfection. Elle la coiffait et la parait d’étoffes soyeuses, aux plis très simples.

— Tâche de plaire, disait-elle, sois coquette, essaye toujours d’être le mieux que tu pourras. C’est ton devoir et ton droit d’être belle.

— Avec ce besoin de prosélytisme qui la pousse irrésistiblement à des expériences de moralisation