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L’ENTHOUSIASME

Fessart, modistes, les magasins de la Chaussure merveilleuse, ceux du Gant Tyrolien, de la Lingerie Parisienne, du Meilleur Corset, autant d’endroits où je surgissais inopinément d’un air affairé. À haute voix un prétexte quelconque, toujours absurde d’ailleurs ; tout bas, à Geneviève interdite, quelques mots haletants :

— Je vais là-bas, je souffre trop… viens…

En février et en mars deux rendez-vous lui furent arrachés, mais au prix de quelles folies !

— Tu ne peux donc pas te tenir tranquille ? me dit Claire, mets au moins un peu d’intervalle entre tes imprudences, puisque tu es forcé d’être imprudent.

— Non, je ne peux pas… quand je crois qu’il y a une chance, la chance la plus infime, de voir Geneviève, rien n’est capable de me retenir.

— Mais les conditions où tu la vois sont déplorables !

— Cela m’est égal, je la vois. Que veux-tu ? c’est un supplice pour moi de laisser échapper la plus mince occasion de bonheur.

— Cependant tu n’es pas heureux ?

— Moi, m’écriai-je en riant, je suis heureux comme les pierres. Certes beaucoup d’autres à ma place se plaindraient, et de fait le désespoir me saisit parfois, surtout depuis cet été, mais quand je suis heureux une minute, je le suis tellement que je me persuade l’être encore quand je ne le suis plus.