Page:Leblanc - L'Enthousiasme, 1901.djvu/216

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
208
L’ENTHOUSIASME

Des larmes de rage souillaient ses joues, elle était vieille, ses cheveux étaient gris, sa peau couperosée. Mais quelle expression de souffrance ! Il y a tant de douleur dans la méchanceté, tant d’efforts navrants dans la laideur du mal ! Je pris entre mes deux mains sa pauvre vieille tête, et je baisai ses paupières bleuies, ses joues mouillées, son cou, sa bouche. Et, frissonnant de pitié et de dégoût, je bégayais :

— Sois bonne, Berthe, souviens-toi d’autrefois, ici… sois bonne…

Au retour de Philippe, Mme Landol tamponnait le front de sa sœur avec un mouchoir trempé d’eau fraîche. L’action des sels acheva de ranimer Geneviève, et Berthe lui dit :

— Eh bien, qu’y a-t-il ? tu riais si gaîment, dix minutes auparavant…

— Vous étiez donc là ? demanda Philippe.

— Nous étions au salon, j’avais prié Pascal de m’apporter des plantes et, quand on a sonné, Geneviève, sachant que nous avions à causer, l’a rejoint. La chaleur l’aura étourdie.

Que-pensa-t-il ? Nos yeux se croisèrent. Je prononçai :

Mme Darzas se plaignait déjà de migraine.

Il dit :

— L’air lui fera du bien… peux-tu venir, Geneviève ?


Ils s’en allèrent, et je les vis s’éloigner, lui la soutenant par la taille, elle lasse et s’appuyant. Et