Page:Leblanc - L'Enthousiasme, 1901.djvu/214

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
206
L’ENTHOUSIASME

Je me glissai dehors. Ce jardin, en réalité une cour ornée de gazon et de trois arbres à laquelle on accédait généralement par un double escalier de pierre partant du salon, était entouré d’un mur que perçait une porte de service. Un espoir malencontreux me jeta du côté de cette porte : je ne pus l’ouvrir. Il y avait tout auprès la petite serre où souvent Berthe me recevait autrefois. J’y courus. Geneviève était là, sur une chaise.

— Toi ici ! mais le salon, tu aurais dû…

Elle ne répondit pas, les yeux fous.

Philippe et Mme Landol débouchaient de la maison. Je les voyais à travers les vitres, lui, frottant les manches de son paletot que la poussière avait salies, elle, regardant de droite à gauche, surprise probablement de notre disparition. Puis, du doigt, elle désigna la serre, et ils vinrent à pas lents… Ils longèrent la pelouse… on entendait leurs voix…

Sortir et les entraîner ? ou bien faire sortir Geneviève ? mais Berthe, Berthe dont la haine avait combiné cette embûche, se fût-elle prêtée à l’avortement de sa vengeance ?

Ils approchaient… À pleins bras, je saisis des pots de fleurs, entassant contre ma poitrine des fougères, des jacinthes, des plantes grasses.

— Fais comme moi, Geneviève, occupe-toi, les voilà… vite…

Elle se leva, prit deux ou trois pots, tournoya sur elle-même, et tomba évanouie… Philippe y entrait.