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L’ENTHOUSIASME

dences, mêmes poursuites, mêmes allures de fauve en cage, mêmes galopades à fond de train d’un bout à l’autre de la ville. On ne se gênait pas d’en rire, et certains, en me croisant, affectaient de scruter les environs pour s’enquérir de l’objet de mes recherches. Que m’importait ? Quand Geneviève se laissait rejoindre, mes yeux perdus dans ses chers yeux, je me serais agenouillé devant tous.

— Viens, lui répétais-je comme jadis, ma Geneviève, quand viendras-tu ? je t’en prie… viens… il y a si longtemps…

De guerre lasse elle venait, et chaque fois le bruit de ses pas à la porte me bouleversait autant que si je ne l’avais jamais entendu. Étrange apparition ! on eût dit que la malheureuse était escortée par les mille regards d’une multitude en courroux. Son cœur s’arrêtait de battre. Je devais réchauffer ses mains et détendre ses bras raidis.

— M’aimes-tu, Geneviève, demandais-je, effrayé presque, pour peu que tardât la réponse.

Ma voix la ranimait.

— Si je l’aime, mon pauvre Pascal ! Oh ! tu ne sais pas ce que c’est que de rester comme moi dans ma chambre, à me supplier moi-même… à vouloir… je veux comme personne ne veut, et je ne peux pas… Je m’habille, je descends l’escalier et je ne peux plus avancer. Tout me fait peur, l’ombre autant que le grand jour. J’ai peur quand je vois Philippe, et j’ai peur si je ne le vois pas. Je mour-