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L’ENTHOUSIASME

l’harmonie spontanée, et cependant consciente, de ses poses, tout un côté extérieur auquel personne n’avait fait attention chez l’enfant réservée et timide que nous avions connue. Ma conclusion fut immédiate et cruelle. Son rêve pouvait se réaliser.

— Et si tu échouais ?

— Je réussirais toujours assez pour vivre à ma guise, pour être libre, et c’est l’essentiel.

Être libre ! vivre à sa guise ! Elle aussi jetait ces mots que j’avais si souvent clamés en sa présence comme des cris de guerre ! Allait-elle également se prévaloir de sa conscience et des droits de sa nature ?

— Tu tiens donc à être libre ?

— Oui.

— Pour quelles raisons ?

— Pour les mêmes que toi, et pour d’autres que je ne m’explique pas bien, mais qui sont très anciennes déjà, qui m’ont toujours remuée. J’ai besoin de me manifester, dans un sens ou dans l’autre. Et puis on m’a trop comprimée jusqu’ici. Je veux être heureuse à ma façon, choisir ma vie et la choisir librement.

Les mêmes mots, les mêmes ! Elle aussi suivait sa propre route et comptait résoudre à elle seule le problème de sa destinée !

— Si tu te maries cependant… lui dis-je, effrayé de ces aspirations.

— Justement, je ne me marierai que si je suis sûre d’être indépendante dans mes actes comme dans mes opinions.