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L’ENTHOUSIASME

— …Que ma conscience, mère.

— C’est la même chose, puisque ta conscience te permet tout ce qui te fait plaisir. Ne m’as-tu pas répété cent fois que l’on doit se conformer à sa nature et qu’elle vous indique, mieux que tout autre guide, la route à suivre ? Je te demande donc si tu es sûr que la route que tu suis est la bonne ?

— Je le crois sincèrement.

— Ta conscience, cette fameuse conscience, ne te reproche rien ?

— Oh ! j’ai dû faire bien des bêtises, et je les discernerai selon les progrès de mon jugement, mais ma conscience les absout toutes d’avance, parce que tout ce que j’ai fait jusqu’ici ne me semblait pas mal lorsque je l’ai fait.

— Alors voilà toute ta morale ? Et cela ne t’inquiète pas d’être seul de ton avis ?

— Mais je ne suis pas seul…

— Alors tu penses vraiment qu’on a le droit d’aller ainsi de l’avant sans souci des idées et des principes que personne ne discute autour de vous ?

— Je pense que j’aime, mère, et que, quand on est poussé par un beau sentiment, par un amour profond, une ambition noble, ou tout autre chose un peu grave, on ne risque guère de se tromper.

— Ah ! mon pauvre ami, soupira-t-elle, tu peux aller loin avec de pareilles théories.

Un des soirs qui suivirent l’échange de ces quelques phrases, je descendis dans le parc. La nuit