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L’ENTHOUSIASME

Ses yeux étaient pleins d’indulgence. Les mains jointes, hésitants l’un et l’autre, nous avions l’air de chercher une solution au douloureux problème qui nous divisait. Peine perdue ! Elle dit simplement :

— Comme tout cela est triste !

Plusieurs samedis de suite, Philippe ayant prévenu sa femme qu’il ne rentrerait à Saint-Jore que le soir, Geneviève et moi nous dinâmes dans notre chambre. Et. il arriva qu’au retour d’un de ces rendez-vous, je croisai Philippe à Bellefeuille.

— Ah ! c’est toi, s’exclama-t-il gaiement, on ne te voit plus ici, il est vrai que tu as des distractions plus séduisantes… allons, pas de cachotteries, je sais tout…

Et il me questionna sur la dame voilée qui me rejoignait chaque samedi à l’auberge d’un bourg voisin.

— Comment savez-vous ?

— Par ta mère… mais surtout pas un mot… elle serait furieuse de mon indiscrétion.

Et il ajouta :

— Je lui en veux à ta mère, elle m’a retenu malgré moi, alors que je voulais faire la surprise à Geneviève de revenir pour le diner ; elle a si bien manœuvré que j’ai manqué le train.

De toutes les marques de dévouement et d’affection que mère m’a prodiguées, je suis sûr qu’aucune ne lui coûta plus que cette comédie à l’égard de Philippe, que cette invention d’intrigues où elle dût persévérer afin de justifier mon absence régu-