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L’ENTHOUSIASME

Je tendais éperdument les bras entre les barreaux. J’eusse bien prié, mais ma prière n’invoquait d’autre nom que celui de Geneviève. « Ma chérie, je suis bien malheureux. »

Je l’étais réellement, et sans comédie. Ces alternatives trop brusques de joie et de détresse avaient exaspéré mon amour au point d’en faire un sentiment presque maladif. Geneviève m’obsédait. Je ne concevais en dehors d’elle ni paix morale ni repos physique. Il fallait un dénouement à ces quatre années de passion et de désir, et la pensée que ce dénouement pouvait ne pas être la possession de celle que j’aimais, se confondait pour moi avec des visions de néant.

J’allai plus tôt à mon poste chercher, comme je le disais, l’absolu bonheur ou l’absolu malheur, et j’y allai en tremblant, à pas timides, comme si j’eusse redouté de connaître la décision du hasard. Il y a des heures où nous sommes en présence de notre destin. Les nuages qui le cachaient se dissipent, il nous apparait, et nous savons s’il nous est doux ou rude. L’approche de ces heures nous emplit d’épouvante.

L’épreuve commença. Je me faisais tout petit, tout chétif, afin que le monde m’oubliât, et, inattentif à ce misérable, laissât Geneviève se promener à sa guise et passer sur la place. Je souffrais tellement que j’eus envie de fuir. Les cloches sonnèrent des choses de mort, puis se turent. Une troupe d’enfants entra dans l’église. La place