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L’ENTHOUSIASME

point, et elle ne passa point non plus le jeudi ni le vendredi.

Journées atroces, journées d’agonie ! Elles firent de moi une pauvre chose frissonnante qui attendait le secours d’un miracle impossible. Épuisé, malade de froid et d’anxiété, je ne vivais plus que par l’effort de mes yeux. Ils fouillaient l’ombre de la place, ils s’embusquaient à l’angle des rues aboutissantes, ils s’accrochaient aux silhouettes des femmes, et, chaque fois, c’était une déception aussi grande que si j’avais été certain que cette femme nouvelle fût Mme Darzas.

Un jour encore, il restait un jour. Comme je désirais, puisque Geneviève ne sortait pas, en être au soir de ce jour ! Mon supplice serait fini. Quelle délivrance !

« On ne veut pas qu’elle soit à moi, répétais-je, on ne le veut pas. » Ce bourgeois qui cheminait ne le voulait pas, ces deux dames en deuil ne le voulaient pas. Tous ces gens étaient d’accord, membres épars d’une même conspiration, formée contre moi et plus forte que moi. Le monde que j’avais bravé m’écrasait.

La dernière nuit fut affreuse. Je me roulais sur mon lit en gémissant : « Geneviève ne s’étendra pas là, je n’aurai pas son corps, je ne serai jamais son amant. Oh ! ma chérie, ma chérie ! » Me relevant je courus vers la maison où elle habitait et, vainement, essayai d’ouvrir la grille pour pénétrer dans la cour et apercevoir un coin de sa fenêtre.