Page:Leblanc - L'Enthousiasme, 1901.djvu/155

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
147
L’ENTHOUSIASME

— Donc, tu espères puisque tu ne te résignes pas.

Quelques mots raisonnables suffisent à ordonner le désarroi de nos idées. Ainsi Claire calmait mon agitation. La logique de son esprit et ce que je pressentais en son caractère d’indépendance et de réflexion personnelle m’étonnaient souvent. Je la connaissais si peu ! J’avais vécu trop exclusivement de moi-même jusqu’ici pour m’intéresser à l’enfant qui grandissait à mes côtés. Elle avait dix-sept ans maintenant. Quels étaient ses goûts, ses vœux ? Questions indécises qui m’effleurèrent pour la première fois à cette époque sans que j’eusse le temps de les retenir. Cependant j’aimais à lui confier la tristesse de mon âme.

Le mois achevé, j’annonçai un voyage d’une semaine à Paris. Mère fit une dernière tentative.

— Tu ne veux pas finir l’année ici ?

— Je ne le peux pas.

— Soit, dit-elle, rentrons, c’est aujourd’hui mardi, je serai samedi à la maison ; tu n’y seras pas avant ?

—— À la maison ? non, affirmai-je en rougissant.

Elle reprit d’un ton résolu :

— Je tiens à t’avertir, Pascal, que mon intention, quoi qu’il m’en coûte, est de voir Geneviève et de peser sur elle de toute mon influence. Au besoin je la verrai quotidiennement, je la conseillerai, je la protégerai. Tu es prévenu.