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L’ENTHOUSIASME

— Mon enfant, ne crois pas que je me débatte pour m’épargner plus ou moins de peine. S’il ne s’agissait que de mon bonheur, je te le sacrifierais mille fois, tu le sais bien, mais tant d’autres choses plus importantes sont en jeu ! Écoute, Pascal, par une chance providentielle, Philippe, auquel tu ne songes guère, Philippe est à Londres depuis hier matin, et il est parti sans avoir été informé du scandale. La présence de sa femme au Clos Guillaume, justifiant la lettre anonyme, l’a un peu surpris, mais, somme toute, Geneviève lui a fourni des explications suffisantes, et il ne se doute nullement que tu étais, toi aussi, dans le Clos. Le seul espoir qu’à son retour, un potin ne le mette pas sur la trace de la vérité, c’est d’étouffer l’affaire et de nous éloigner tous. Quand on ne nous verra pas, on parlera moins de nous. Je sais par Berthe — car c’est elle en effet qui m’a tout raconté tantôt — je sais que Geneviève est résolue à ne pas se montrer tant que durera l’absence de son mari. En ce cas, qui te retient ? Nous avons passé l’été en ville, j’ai besoin de changer d’air, ta sœur également. Installons-nous un mois à Bellefeuille, veux-tu ?

Je n’osai refuser.

— Un mois seulement ?

— Oui, un mois pendant lequel tu l’engages à ne pas venir à Saint-Jore…

— Comment cela ?

— Évidemment ! si tu dois venir ici toutes les après-midi, autant que je reste… Je t’en prie,