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L’ENTHOUSIASME

— Hélas ! tous mes actes te paraîtront toujours des fautes, la différence de nos manières de voir le veut ainsi. Il m’est impossible de vivre sans te faire du mal. Si tu savais combien j’en suis triste !

— Sois triste plutôt de faire le mal.

— Je ne le fais pas, tu me juges d’après la façon dont les autres me jugent.

— Pourquoi les provoques-tu par tes imprudences, ces autres ?

Je la suppliai :

— Ferme les yeux, mère, n’écoute pas les gens, leur opinion compte si peu ! ah ! mon Dieu, qu’on me laisse donc m’arranger à ma guise ! Ainsi, pour Geneviève, je t’en prie, ne te mets pas entre elle et moi, comme tout le monde… je l’aime… je l’aime…

— Mais, Pascal, dit-elle en me repoussant, tu oublies donc l’amitié que j’ai pour Philippe ! tu oublies que c’est moi qui l’ai marié, et tu me demandes d’être ta complice ! Mais rien ne me détournera de mon devoir, sois-en sûr, je lutterai jusqu’au bout.

Nous nous dressâmes l’un en face de l’autre, comme deux ennemis. Entre ceux qui s’aiment le plus, il y a des minutes de colère, presque de haine. Se contenant, elle dit :

— Il est encore temps, je crois que tu n’es pas l’amant de Geneviève, et les bruits qui vous accusent n’ont pas encore de consistance. Tu vas partir, tu voyageras, je l’exige.

— Je ne partirai pas, déclarai-je nettement.