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L’ENTHOUSIASME

puisque ses vœux étaient conformes aux miens ?

Durant tout l’été je vins chaque jour au Clos Guillaume. Geneviève m’y rejoignit cinq ou six fois, mais l’espérance de la voir absorbait toute ma vie, et lorsque mère, au mois de juillet, m’avertit de son départ pour les eaux, je refusai de la suivre, ce qui la contraignit à rester également, afin que ma présence à Saint-Jore ne fût pas remarquée.

Quels jours heureux ! Le Clos du bonheur, appelions-nous le jardin. Tout y était heureux du seul fait de notre bonheur, les arbres, les plantes, l’air que nous y respirions, les oiseaux que nous y entendions. Les fleurs avaient un parfum spécial, l’ombre une fraicheur unique. L’aspect des choses était nouveau dans cet asile que consacrait notre amour. Et Geneviève elle-même, selon moi, acquérait une beauté particulière. Ses cheveux blonds s’illuminaient d’or. Ses yeux étaient plus vifs et sa bouche plus charmante. J’admirais en sa figure, en sa taille, en ses attitudes, en sa toilette, des grâces qu’elle n’avait pas ailleurs au même point.

— Je me prépare à être à toi, répondait-elle.

On eût dit aussi qu’elle s’y préparait intérieurement, tant il y avait parfois de gravité dans l’accent de sa voix et de rêve dans ses silences.

La paix du jardin endormit peu à peu ses alarmes. Chaque rendez-vous passé sans encombre la rassurait comme une garantie de repos pour des rendez-vous plus périlleux.

— Je viendrai, Pascal, cette idée ne m’inspire