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L’ENTHOUSIASME

— Je ne sais pas. La première fois que tu me l’as demandé, cela me paraissait monstrueux. Moi, un amant ! pense donc, ce que c’est pour une femme qu’un amant, pour une femme élevée comme moi ! Je te promettais.. mais au fond…

— Et à Bellefeuille… nos caresses, rappelle-toi.

— Tu étais un enfant, je ne songeais même pas que nous pourrions…

— Et depuis, tu ne t’es pas faite à cette idée ?

— Non, ou plutôt oui, comme tu vois, mais je n’en savais rien, je voulais, et puis je ne voulais pas.

— Était-ce par scrupule, par devoir envers Philippe ?

— Il m’est impossible de te le dire. C’était de l’épouvante. Aller là-bas, t’appartenir, cela se confondait dans ma peur… Voilà surtout, j’ai peur… je peux te promettre aujourd’hui, et demain, au moment d’y aller, j’aurai peur.

— Peur d’être ma maîtresse, ou peur qu’on ne le sache ?

— Je ne sais… il me semble que c’est tellement grave que tout le monde le saura.

Comment concilier ses craintes et ses hardiesses, sa conduite passée et sa conduite actuelle, sa froideur et ses élans, sa lâcheté devant l’opinion du monde et son insouciance des principes qui le gouvernent ? Je repris :

— Enfin tu seras à moi ? tu en es certaine ?

— Je te le jure sur notre amour.

Les douces paroles ! Pourquoi me tourmenter