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L’ENTHOUSIASME

le suis pas. Si la révolte contient un plaisir d’ostentation, il est à croire que ce plaisir fut un des motifs de la révolte, ce qui implique toujours l’influence de l’opinion.

« Je me tairai donc et dissimulerai. En province, c’est la première condition de liberté, l’expérience me le révèle. Il vaut mieux se conduire mal en cachette, que se bien conduire ouvertement. Une vie au grand jour offusque les yeux. La franchise n’est pas une qualité pour la raison qu’on n’y croit point. »

Durant deux après-midi je me contentai d’effectuer, à l’allure de promenade, l’itinéraire prescrit. Mais, le troisième jour, n’ayant pas vu Geneviève, je le recommençai, et ne l’ayant point vue non plus le quatrième et le cinquième, toutes mes bonnes résolutions, du moins en ce qui concernait la prudence, s’en allèrent à la dérive. On ne put sortir sans m’aviser devant un étalage ou derrière un arbre du boulevard. Je bondissais d’une ruelle, je m’engouffrais sous une porte cochère, je dégringolais d’un omnibus. En une heure ma présence était signalée en vingt endroits différents. Aucune phase de mon manège ne passait inaperçue, et l’on ricanait :

— Encore le fils Devrieux qui fait des siennes !

Geneviève ne bougeait pas de sa chambre. M’aimait-elle encore ?

Je perdis la tête. Depuis ma lettre de rupture, Mme Landol n’avait point cessé de me poursui-