témoin ? Si tu n’es pas d’accord avec les gens, pourquoi le leur corner aux oreilles ? Pourquoi braver leur opinion ?
— Mais, ma pauvre mère, je m’en moque de leur opinion ! Que monsieur un tel ait sur moi telle ou telle opinion, que veux-tu que cela me fasse ? Je ne vis pas pour lui. Quand je me décide à quelque chose, je n’examine pas s’il va être content ou mécontent. Et si j’ai l’intuition de son mécontentement, je ne songe pas qu’il y ait là de quoi m’arrêter.
— Tu l’as donc quelquefois l’intuition qu’on te blâme ?
Je répondis franchement :
— Oui, je l’ai, tu m’as élevé dans des principes trop fixes pour que je ne connaisse pas exactement ce qui est bien et ce qui est mal d’après le monde de Saint-Jore. Seulement, que veux-tu, je ne me résoudrai jamais à croire que ce soit une règle de conduite suffisante.
— Alors quelle est la tienne ? Tu n’as plus de religion, plus de croyances, tu n’obéis qu’à tes instincts, où cela te mènera t-il ?
— À rien de mal si ces instincts sont bons ?
— Et s’ils sont mauvais ?
— Ma foi, tant pis…
Mais aussitôt je me jetai dans ses bras, alarmé de son chagrin.
— Non, mère chérie, j’exagère… S’il y avait de mauvais instincts en moi, je ne les suivrais pas,