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L’ENTHOUSIASME

employer une raison nouvelle, et on les réfutait du même air de mépris, comme des mots qui n’ont aucune espèce de valeur. Tout cela me parut abominablement niais. Était-ce la faute de mes adversaires si la discussion se tenait à ce niveau déplorable ? Ou bien plutôt, n’est-ce point le propre de toute discussion de ce genre d’être absurde et banale ?

Mais quelqu’un dit :

— Alors, vous approuvez l’amour libre ?

— Si je l’approuve !

L’apostrophe m’atteignait cette fois. Je voulus me contenir, écœuré d’avance de tous les lieux communs que la passion me dicterait. Mais on jetait les hauts cris, certaines phrases avaient un air d’allusions personnelles, je commis encore la sottise de parler.

— Si j’admets la liberté de l’amour ? n’est-ce pas le premier et le plus absolu de nos droits ? La volonté de deux êtres qui veulent s’appartenir, voilà le principe initial et la loi suprême. Tant qu’il y aura dans une société des obstacles entre ceux qui s’aiment, cette société aura tort. Tant que ceux qui s’aiment renverseront ces obstacles et dédaigneront les préjugés, ils auront raison, cent fois raison. La vraie morale est là…

Ma vie eût été en jeu que je ne l’eusse pas défendue avec plus de conviction. Je ne pouvais avouer plus franchement à quel point cette cause me touchait, comment j’agirais en pareil cas, et com-