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L’ENTHOUSIASME

je pérorais avec une amertume qui n’était point pour me concilier l’indulgence.

— Tu seras à moi, n’est-ce pas, Geneviève, lui demandais-je, aussitôt que le hasard nous réunissait, je n’admettrais pas une vie où tu n’aurais pas été ma maîtresse.

— Je te l’ai promis, Pascal.

Mais si, dominant l’embarras que l’on éprouve, au début, à s’expliquer sur le côté matériel des rendez-vous, je lui racontais le choix que j’avais fait d’une chambre, elle se dérobait.

— Pas encore, je t’en prie… je ne peux pas… suppose que l’on nous suive ?

— Il n’y a aucun danger.

— Ne me presse pas trop, moi aussi je veux que ce soit.

— Bientôt ?

— Bientôt, je te le jure.

Elle s’éloignait rapidement, et je me disais :

« Cette femme est l’adoration de toute ma jeunesse et je ne suis pas encore son amant. Quand le serai-je ? Où ? Comment ? Quel miracle me la donnera ? »

Un peu d’intimité comme jadis, quelques caresses m’eussent armé de courage, car il me manquait, autant que des baisers, ce qu’il y a de volupté dans la présence d’une femme qui vous aime et qui offre à votre tête l’appui de son épaule. Mais les heures mouraient, et toutes ces heures défuntes étaient des années perdues.