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L’ENTHOUSIASME

Ayant réfléchi, elle dit :

— C’était la vraie.

Nos mains se joignirent.

— Adieu, Armande.

Elle se jeta sur moi :

— Non, pas encore, écoute… j’étais indifférente, je me défiais de toi et de l’amour, mais je ne veux pas que tu emportes cette idée de moi, je veux que tu me voies telle que je devenais, aussi faible que les autres, aussi tendre que toi… écoute, il faut que tu saches que je vais pleurer tout à l’heure… va-t’en… va-t’en…

Elle ne put se contenir davantage et colla ses poings contre ses yeux. Et les larmes s’échappaient le long de ses doigts, et elle ne cherchait pas à dissimuler la pauvre grimace de son chagrin.

Jo l’entourai de mes bras, prêt à tout.

— Ne pleure pas, tu n’as même pas l’air de savoir pleurer… Que puis-je faire ? que veux-tu ?

C’était de la douleur humaine, de l’humble et vivante douleur que j’avais mise au monde. Cela venait de moi, de ma chair, de ma vie exigeante. J’en étais désolé, et l’idée qu’un jour je pourrais souffrir ainsi, par le jeu ou la trahison d’une maîtresse, redoublait mon désespoir.

— Pardonne-moi, je serai toujours bon, je ne ferai jamais de mal, lui dis-je, comme si je souhaitais qu’on fût avec moi ce que je promettais d’être.

— Ne dis jamais à une femme que tu l’aimes,