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L’ENTHOUSIASME

— Le dénouement ?

— Allons, Pascal, tu sais bien ce qui en est.

Le savais-je réellement ? N’étais-je pas de bonne foi avec moi-même ?

Un matin, sur le journal, je lus machinalement la date : vendredi vingt-huit octobre. Le vingt-huit octobre ! L’anniversaire de notre séparation ! Deux heures après je descendais à la station de Bellefeuille.

Il pleuvait et il ventait. Les nuages roulaient au ras des hautes cheminées. Afin de me soustraire à la vue des ouvriers qui sortaient des usines, je contournai le village, mais de l’autre côté du vallon, à mi-coteau, j’aperçus un groupe de sapins, et le spectacle de ces quelques arbres dissipa l’ivresse qui me soutenait. Ma volonté fut immédiate et définitive : j’allais rebrousser chemin. Pourtant, malgré l’effort éperdu de mon cerveau, malgré un épuisement si profond que mes jambes chancelaient, je continuais d’avancer, et la maison blanche apparut, et la grille du jardin me livra passage, et la sonnette retentit, et l’entrée du perron s’ouvrit, et tout cela me sembla extraordinaire comme si je n’avais pas attendu des choses une telle condescendance.

Comment ai-je réussi à m’approcher du salon ? Je n’avais plus de forces. Un grand vide s’élargissait en moi, et dans ce vide se cognait mon cœur comme un oiseau fou. Je voulais m’enfuir —