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L’ENTHOUSIASME

Un mois encore s’écoula en journées lentes. La même fougue me stimulait, mais coupée d’intervalles de langueur et d’oisiveté. J’allais chez Armande avec le même empressement quotidien, mais il y avait des jours où ses caresses m’étaient moins agréables, et moins précieuse son intimité. Le charme de Nanthilde ne résistait point à des entrevues hebdomadaires. Les baisers de Berthe Landol m’excédaient.

Je me souviens de longues promenades solitaires dans la campagne, et je me vois aussi dans les rues en quête d’aventures nouvelles, m’arrêtant aux vitrines, dévisageant les femmes, suivant la première venue, laide ou jolie, élégante ou disgracieuse, commençant à la fois plusieurs intrigues et trop las pour les mener à bien. Quel écœurement le soir où j’obtins les faveurs d’une petite modiste qui m’avait accueilli dans sa mansarde après de courtes assiduités ! Cette chute me désolait comme une souillure, comme une trahison envers quelqu’un. Envers qui ? Je courus chez Armande et lui confessai ma faute. Elle n’en parut pas suffisamment chagrine, ce qui acheva de m’exaspérer.

— Mais tu devrais souffrir mortellement, m’écriai-je, hors de moi.

Je lui tins rigueur de sa placidité. J’étais nerveux, irritable, taciturne, avide de mouvement et d’imprévu, fatigué de tout, sans désirs et harcelé d’envies contradictoires.

— Le dénouement approche, me dit Armande.