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L’ENTHOUSIASME

trop subtile à cet endroit pour que je ne connusse point le tort considérable que me faisaient mes paroles et ma conduite. Mais ma nature s’opposait à ce que j’y prisse garde et à ce que la peur de ce dommage me décidât à sacrifier le moindre plaisir ou la moindre commodité passagère. On me vit aux côtés d’Armande sous les arcades de la grand’place, en plein jour ; je continuai à la rue Théodore-Leprince la faveur de mes départs du dimanche, et je me rendais assez régulièrement dans la petite serre où Mme Landol me recevait à l’extrémité de son jardin de Saint-Jore. Tout au plus affectais-je certaines précautions, de celles que l’on remarque.

Sans doute j’étais heureux ? Je l’eusse affirmé du moins. Mais alors comment expliquer l’acte imprévu dont l’idée première fermentait, je le sais aujourd’hui, dans le désordre et le bouillonnement de ma vie ? El pourquoi cette note, une des rares qui furent rédigées en ces mois d’effervescence ?

« Triste… je n’ai de cœur à rien, et je m’ennuie tellement que personne ne pourrait me distraire. Comme les heures sont vides ! Je voudrais autre chose. Qu’est-ce que l’avenir me réserve ? »

En vérité ma détermination ne fut point si brutale et si inconsciente que je me le persuadai, L’acte se prépara peu à peu, à l’insu d’un regard qui se détournait volontairement, et ce que j’allais accomplir résulta logiquement de mes pensées obscures et de mes rêves certains.