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— Ah ! monsieur, ah ! monsieur, criait la vieille servante, oubliant les formules adroites préparées pour la circonstance ! Ah ! monsieur, si vous saviez !

Marc lui saisit les poignets.

— Voyons, qu’y a-t-il, Mélanie, vous me faites peur, parlez.

Elle n’osait plus. Elle s’embarrassa dans des phrases confuses. Il fut sur le point de la brutaliser. Quelle vieille femme stupide ! Il aurait voulu la torturer, lui arracher l’aveu immédiat avec des moyens d’inquisition. Il souffrait trop, lui, d’un supplice autrement barbare.

Enfin, elle dit :

— Eh bien, il est mort, l’père Hélienne.

— Mort !

Il s’effondra sur un tas de pierres. Ce cri, ce mouvement étaient d’une grande justesse, et pour n’en point affaiblir la portée, il subit la pointe d’un caillou qui l’incommodait fort. Puis ses nerfs se détendirent en une crise de sanglots. Cela le reposait un peu de la fatigante comédie.

Mélanie soupira :

— Pauv’ monsieur Marc.

La pitié de la vieille redoubla ses larmes. Il les laissait couler abondamment, car elles rafraîchissaient son âme, et pouvait-il faire mieux que de pleurer ?

Il savourait sans étonnement ce calme inexplicable, dont le bienfait coïncidait avec l’annonce redoutée de la mort. D’ailleurs, il ne trouvait rien de changé en sa vie. Certes, il était fâcheux que M. Hélienne eût trépassé. Mais il ne lui semblait nullement que ce monsieur fût son père, ni qu’il en fût le meurtrier.