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souvent il s’approchait d’elle avec des défaillances de volonté. Elle frissonnait. Comme ce serait doux de la prendre ! Les jolies chairs aimées lui appartiendraient. Mais son égoïsme ne prévalait point contre la délicatesse de sa pitié.

Il le disait tout haut en phrases obscures pour elle, utiles pour lui, en ce qu’elles le confirmaient dans sa propre estime.

— Petite chose, j’apprends auprès de toi l’orgueil du sacrifice. Celui que je te fais n’est pas sans alliage, néanmoins son titre d’impureté est faible. Songe surtout que c’est la première fois que mon caprice ou mon intérêt s’inclinent devant d’autres motifs. Je n’étais pas méchant. Mais les circonstances m’obligeaient à l’être. Toi, petite chose, tu m’es l’occasion initiale d’actes nobles et candides. Tu permets que je sois ce que je suis, à l’abri des influences contraires.

Ces soliloques qu’elle écoutait avec ses grands yeux étonnés se répétaient.

— Il est, pour que je respecte ta chasteté, des raisons d’un ordre sublime, petite chose : effroi de soulever le voile de mystère tendu devant les yeux de la vierge, ambition que ne soit pas terni le miroir de souvenir où je regarderai plus tard l’image de notre aventure. Mais il en est de moins hautes qui m’enchaînent aussi. Que deviendrait l’enfant possible de notre union ? Sa double hérédité lui interdirait l’équilibre. Et toi-même, petite chose, ta vie n’en serait-elle pas saccagée ?

Ayant exprimé cette peur, il la conçut. La chute lui sembla soudain compliquée d’ennuis inévitables et si prochaine malgré son ferme dessein et,