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en lumière la cause principale. Il la définit : le souci d’étouffer la plante du remords à la racine même, au moment où elle jaillit le plus volontiers, toute chaude du sang répandu.

Sa clairvoyance l’emplit d’une joie naïve. Il ne voulait pas scruter davantage sa découverte. Il l’étudierait plus tard, à loisir. Et il la serra dans une des cases de son cerveau, comme ces idées amusantes qu’on a l’enfantillage de réserver pour de meilleures occasions.

Cependant, une remarque résulta de cette découverte :

— Si le vieux est mort, il faut que je m’en aille, et il le faut pour ne pas être informé de cet événement.

Certes, il était peu probable que l’on connût sa présence à Capri. Le hasard aurait été prodigieux qu’une personne de ses relations l’eût rencontré en cette île et se fût ensuite trouvée en rapport avec l’entourage de son père. Néanmoins, il en aggravait le risque en prolongeant son séjour. Et, comme un ouragan de malheur, soudain pouvait survenir la nouvelle de la catastrophe. Or, savoir, c’était s’exposer plus sûrement au remords. Sa plus grande force d’indifférence résidait dans l’incertitude.

— Encore quelques jours, conclut-il, et je pars.

Là se terminait la lutte surhumaine soutenue depuis deux mois. Une ivresse le pénétra. Il comprit qu’il avait enfin la permission de posséder la vierge. Durant une semaine, il en jouirait à son gré.

Tout à coup, il atteignit le sommet de l’île, au mont Solaro. L’horizon d’un côté, la terre de l’autre, ceignaient la vaste mer. Marc les embrassa toutes les deux entre ses bras ardents.