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extinguible. Sans relâche, il offrait à la déesse le supplice de ses veilles, la morsure de ses reins, son sang fouetté, ses membres tordus, ses cauchemars maladifs. Plus que prêtre, il se croyait martyr. Le besoin d’enlacements rongeait ses bras. Il brisait ses mains l’une contre l’autre. Il mâchait des exclamations de terreur et de foi. Ô luxure, déesse des concupiscences, reine des sexes, allumeuse des ruts, luxure, grand souffle d’amour qui secoue l’humanité, revanche indispensable de la chair sur l’esprit qui s’humilie !…

— Je suis fou, je suis fou, se disait-il.

Et il ajoutait :

— Mais la bonne folie, la bienfaisante folie.

Il la surveillait de près. Il augmentait à plaisir la confusion de sa tête. En simulant les symptômes de la démence on s’imagine aisément en être atteint. Ses gestes furent saccadés, ses yeux hagards, ses paroles incohérentes, son accent rauque. Il se roulait à terre en des crises d’hystérie. À l’aurore, des gens le virent sur la terrasse agitant les bras comme un forcené.

Mais, tout au fond de lui, ricanait une voix secrète. Spectateur vigilant, l’être vrai se délectait de la comédie et applaudissait aux bons endroits. Et quand il s’avisa que la frénésie de l’acteur devenait pernicieuse, de lui-même, il baissa le rideau.

Marc eut de la peine à se reprendre. La fougue de son corps n’étant pas jouée, il souffrait en ses sens trop tendus… Deux jours de suite il ferma sa porte à la jeune fille.