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Il cria vers la mer et vers le ciel, seuls témoins de sa victoire, vers tout cet infini dont le grand regard bleu contemplait ses petits calculs et ses petits orgueils d’avorton. Il eût voulu que des foules le vissent, des foules initiées au secret de sa conduite et que cependant son entêtement surnaturel stupéfierait. Il tenait le corps en l’air, ainsi qu’un trophée. Parce qu’il admirait ce pur chef-d’œuvre, il souhaitait qu’on en proclamât la splendeur, pour accroître ainsi la gloire de sa continence.

Ainsi parvint-il habilement à une sorte de folie érotique. Maître de lui toujours, il n’avait plus besoin d’invoquer l’aide des motifs salutaires. Au paroxysme du désir, il savait la minute exacte où il fallait se dompter. Le mérite était mince. Il y avait presque impossibilité matérielle d’aller plus avant.

Sa fièvre ne tombait qu’auprès d’Aniella, quand l’enchaînait un calme factice et que d’ailleurs la présence de l’enfant le détournait de tout souvenir nuisible. Mais il s’y abandonnait, à cette fièvre ; aux heures de solitude où vous guette l’ennemi. Proie peu commode alors pour les attaques. Ni âme, ni cerveau, ni mémoire, il ne laissait aucune prise. C’était une brute insaisissable lâchée à travers les nuits chaudes.

Et Marc la soignait, la bête engendrée par sa volonté. Il la cinglait à coups de visions lascives. Il lui jetait, comme des pierres cruelles, ses rêves malsains. Il l’affriolait avec le mirage toujours plus lointain de la curée et de l’assouvissement.

Exalté, il s’élut prêtre en la religion de luxure. Sa vie n’avait-elle pas la rigueur farouche d’un culte ? Bûcher ardent, son corps brûlait d’une flamme in-