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grandes audaces. Il s’administrait attentivement le remède voluptueux, augmentant ou diminuant la dose, selon son propre degré de résistance, la doublant ou s’en privant au besoin tout un jour.

Sa plus terrible bataille contre lui-même consistait à déshabiller la jeune fille. Il ne le faisait qu’en ses moments d’énergie certaine et avec une lenteur prudente et des précautions stratégiques. Par suite de ses procédés antérieurs, toute partie découverte avait son histoire. Hélienne retrouvait les chemins de baisers, s’attardait aux haltes ordinaires, y goûtant les mêmes fruits, y cueillant les mêmes fleurs. Et, instantanément, germaient des touffes d’adorables souvenirs.

Ainsi, de chaque endroit, se dégageait une influence spéciale. Chaque coin de chair gardait un ensemble d’attraits ayant leur autorité indépendante. Et la gerbe de ces désirs isolés, ramassés en route, provoquait un désir formidable.

Il choisit pour l’étreindre un matin d’extrême lassitude physique. Encore dut-il s’y prendre à diverses reprises, de plus en plus brèves, et, enfin, le repousser rudement, à bout de volonté.

Mais la preuve était suffisante de son empire sur lui-même. Il se décréta invincible. Désormais, quoi qu’il arrivât, de quelque grâce inconnue que se parât l’enfant, il ne la posséderait qu’à son heure et à sa fantaisie. Il était son maître.

Alors il attira contre lui le corps docile. Il le pressa tout entier comme un butin dont on est jaloux. L’obstacle moelleux de la poitrine s’insurgeait et la soie de la peau glissait entre ses doigts. Il cria d’allégresse.