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Ainsi qu’un somnambule qui se réveillerait hors de son logis, Hélienne s’étonna de se trouver en une telle situation. De menues faiblesses l’y avaient insensiblement amené, et les transitions d’un acte à l’autre étaient si imperceptibles qu’il n’avait pas remarqué l’infamie croissante de ces actes. Le premier provoquait le second, qui lui-même en nécessitait un troisième. Le dernier valait-il qu’on s’émût davantage ?

Par ce motif que nos sens s’affectent souvent à notre insu, on reste auprès d’une lampe qui file ou d’une charogne décomposée, sans qu’il en résulte d’autre sensation qu’un malaise indéfinissable. Et ce n’est que tout à coup, en voyant la fumée ou la bête morte, que nous sentons la vilaine odeur. De même Marc, sans que sa conscience en fût nettement avertie, avait vécu de façon malpropre. Maintenant qu’il s’en rendait compte, il en souffrait.

C’était un écœurement. L’aspect subit de sa vie, en dehors de tout jugement et de toute théorie banale, lui donnait des nausées. Cette impression devint si pénible qu’il articula :

— Il faut que ça finisse, il le faut.

Et il fallait aussi qu’il sortît de cette chambre. Son impétueux désir de changer d’existence se confondait avec le besoin immédiat de rompre son stupide emprisonnement. Sa lâcheté l’avait déposé là en une sorte de fosse où il était privé d’air et de lumière, entouré de choses sales, réduit au froid et à la faim. S’en évader, ne serait-ce pas reprendre sa place au soleil, manger selon son appétit, se vêtir selon la saison, respirer selon le vœu de ses poumons ?

Il ne le pouvait pas. Les mêmes obstacles s’opposaient à ce qu’il se délivrât