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ment, comme des choses à lui. La victoire était certaine. Mais par quels moyens la gagner ?

Il oscillait alors entre diverses vocations. Serait-il écrivain ? métier sublime ! l’écrivain triture l’esprit d’autrui, sème les idées fécondes et plaît aux femmes. Orateur ? quelle force ! entraîner les masses vers un but qu’elles ignorent, et que soi-même on ne connaît point. Avocat ? Pourquoi non ? l’exercice est plaisant de défendre le coupable et d’accuser l’innocent.

Il subit l’affre de l’hésitation.

Le sort l’en délivra. Ses derniers sous dépensés, Hélienne s’avisa que le devoir le plus impérieux de l’homme consiste à se nourrir, et ce devoir dont l’accomplissement est quotidien lui enjoignit d’ajourner ses prétentions et d’accepter les moindres besognes. Il les accepta.

Les rudes épreuves commençaient. Elles furent brutales et le débarrassèrent, comme de vêtements importuns, de toute délicatesse et de toute dignité. Au bout de quatre ans il était à nu, sans plus de ces petites honnêtetés qui amortissent le premier choc des tentations. Il lui restait, suprême soutien, l’ambition respectable de manger à son appétit.

Il s’accrocha donc à tous les métiers, moins avec l’espoir d’y réussir et de se cantonner dans une spécialité qu’avec l’acharnement d’un ventre vide. Son cerveau fut chargé de subvenir aux exigences de son estomac.

Tout ce passé, en somme, lui représentait une infinie succession de repas douteux. Chaque matin, le problème revenait aussi angoissant. Et il arriva parfois que Marc ne put le résoudre.