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IV


Le sentiment de son pouvoir le maintint en un équilibre délicieux. Il était libre de tuer ou de ne pas tuer. Que la vie devînt odieuse, et qu’il dût choisir entre la mort de son père et la sienne, il possédait le souverain remède. Sa volonté déciderait en dernier ressort, et non plus les circonstances, le hasard, une aberration passagère de son esprit.

Jadis il ne pouvait ni ne voulait. Aujourd’hui il pouvait. Voulait-il ?

Non. Il n’hésita pas. Les raisons, il refusait même d’en juger la valeur. Abondantes, logiques, irréfutables, elles se résumaient, somme toute, en une seule : on ne tue pas son père. Un fou ou du moins un irresponsable frappera, un homme sain, jamais.

À l’abri derrière cette sauvegarde, il se donna la satisfaction d’examiner son projet. Il ne tuerait pas, soit, mais en vérité, de quel merveilleux stratagème il eût usé ! Il y pensait avec complai-