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réponse l’éclaira. Sans doute son père allait toucher ses fermages.

Vingt minutes après, Marc, impatient de certitude, partait en campagne. À Montivilliers, il trouva une diligence, à Harfleur le chemin de fer, à Barentin une autre diligence d’où il descendait à Villers-Écalles, se rappelant ce nom sur le livre de comptes de son père. Il se renseigna. Trois heures auparavant, M. Hélienne avait quitté le village et se dirigeait vers le Paulu. Marc y parvint à la nuit tombante. Affamé, il mangea dans une auberge. Là, il apprit que le vieux soupait à la ferme de la Vasette, chez Noël Lambert. Son repas fini, le jeune homme se postait au coin de la ferme.

Du temps s’écoula. L’obscurité s’entassait. Puis de la lumière jaillit par une porte ouverte, des pas s’approchèrent, et une voix dit :

— Au revoir, M. Hélienne, trois petits quarts d’heure et vous serez à Duclair.

Une ombre passa. Il la suivit. De loin, sur l’herbe des bords, il marchait avec d’infinies précautions, ses yeux fouillant la nuit où s’enfonçait la silhouette de son père. On fit ainsi près d’un kilomètre. Mais une remarque le frappa, il n’avait encore rencontré personne, et autour d’eux, nulle clarté n’indiquait d’habitation proche.

Cette remarque acheva de le troubler. Maintenant il courait presque, le corps plié en deux, la respiration haletante, et soudain il s’aperçut que sa main se crispait au manche d’un couteau.

Il s’arrêta brusquement comme pris en flagrant délit. Il se vit appréhendé, convaincu. Les preuves s’entassaient. Les témoins l’accablaient. Du matin jusqu’au soir, on reconstituait l’emploi