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concernait l’achat d’un cheval ; un autre, l’acquisition d’une maîtresse convenable.

Souhaits futiles ! Il ne s’y attardait pas. La culture de son intelligence le réclamait. Enfin, il serait à même de travailler. À quoi ? Eh, mon Dieu, parmi la somme de ses facultés affranchies, la sélection s’opérerait naturellement. On se spécialise toujours assez tôt. Pour l’instant, il les mit toutes en œuvre.

Poèmes, romans, toiles, statues, il ébauchait tout, avide de satisfaire ses tendances artistiques. L’ambition n’est point méprisable ; remueur de foules, il escalada la tribune ; conducteur de peuples, il s’empara du pouvoir. Et la science, cette bienfaitrice de l’humanité ? Il s’y dévoua. Les inventions foisonnèrent. Il réunit des caravanes à la tête desquelles il s’enfonça témérairement au cœur de pays inexplorés.

Aucune difficulté ne le lassait. Imbu de cette conviction des pauvres que l’argent est infaillible, il se croyait certain de la réussite. Ses désirs s’achèveraient en réalités. Les victoires se multiplieraient et il n’y aurait ni peine, ni envie, ni déception.

La douce existence ! Il l’admit comme certaine. Mais quand cet avenir se transformerait-il en présent ? Il s’employa patiemment à rétablir en cherchant à quelle date probable mourrait le père Hélienne. Il reconstitua jusqu’à la troisième génération les âges de décès de ses aïeux paternels. La moyenne l’en désola. En outre, quelques réflexions sur la santé du vieux, sur sa vigueur, sur ses habitudes frugales, le contraignirent à reconnaître au bonhomme des chances de longévité peu communes.