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douceur. Marc se lamenta sur la mauvaise mine de son fils.

— Ne t’inquiète pas, dit Louise, c’est la fatigue du voyage ; il va reprendre ses couleurs ici.

La bonne mère ! Sous le petit rond de la lampe, le soir, il se recroquevilla près d’elle, comme pour respirer l’atmosphère qu’il lui fallait maintenant. S’étant plaint de la migraine, il la vit aussitôt prête à le veiller toute la nuit. La bonne épouse ! Il la remercia de son dévouement et lui offrit son affection, ce à quoi elle acquiesça par un visage ébahi. Ainsi se multiplièrent, au cours de la soirée, les chaudes sensations de l’intimité, de la famille et du confortable. Marc les savoura.

Son contentement, produit de ses nerfs détendus, se soutint quelques jours. Il avait échappé à la tempête, au naufrage, et avant de vérifier les dégâts probables et de songer qu’il s’en allait peut-être à la dérive, il jouissait d’être sain et sauf.

Il ne se souciait pas de réfléchir. Son cerveau secrétait de petites constatations béates. Regardant Louise, il s’étonnait presque de sa présence, du son de sa voix, de la réalité de sa forme, et il l’eût touchée pour s’assurer que ce n’était pas un fantôme.

— Je ne l’ai pas tuée, non, je ne l’ai pas tuée.

Il ne se demandait point pourquoi. Mais cela le satisfaisait qu’il en fût ainsi. Et il se félicitait également de retrouver toutes les choses en leur place, comme si ce séjour au bord de la mer n’eût été qu’un rêve incertain.