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il la pouvait rejoindre, agir et revenir au Prieuré.

L’après-midi, il avait rendez-vous avec Bertrande à la Chevrotière. Il y courut joyeusement pour lui annoncer la bonne nouvelle. À leur place ordinaire se trouvait un gamin qui lui remit une lettre et s’en alla. Il la lut.

« Marc, M. Berjole est de retour à l’époque fixée, je ne m’en souvenais pas. On parle, m’a-t-il dit, de nos entrevues. Personne ne les ignore. Mes pauvres vieux m’ont questionnée timidement à ce sujet. Je ne vous verrai plus, les bans seront publiés dimanche.

« Je reçois un mot de Louise. Elle part demain seule. Partez aussi, je vous en supplie. Marc, je vous aime et je suis malheureuse. »

Il replia la lettre, la mit dans sa poche et, s’asseyant, réfléchit très calmement :

— Les bans auront lieu dimanche, nous sommes aujourd’hui vendredi. Sa décision est irrévocable. D’un autre côté, Louise s’en va demain samedi, ce qui ne me laisse pas le temps de faire à Paris la fugue projetée.

Il conclut à haute voix :

— Ce sera donc pour cette nuit.

Par des chemins déserts, propres aux méditations, il rentra. Le vent hurlait. Il se dit : Ce vent me servira.

Des nuages encombraient le ciel. Il se dit :

— Il n’y aura pas de lune ni d’étoiles gênantes.

Fréquemment, il répétait :

— Eh bien, oui, c’est pour cette nuit et puis après ?

Comme s’il eût voulu prouver à quelque interlocuteur que cela lui était parfaitement égal. Cette nuit ou une autre, qu’importait !