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terait à l’état de vœu non sanctionné, ne se réaliserait pas.

Il lui disait toutes ces choses, ne reculant devant aucune parole profanatrice.

— Ce qui m’affole, Bertrande, c’est l’idée de ta chasteté. Tu serais femme, je ne t’en désirerais pas moins. Mais tu es vierge, et je ne t’aurais pas seulement, j’aurais ta première volupté, j’aurais ton étonnement, ta douleur, ton sang, ton extase, ta vie. C’est moi, moi qui te ferais femme. Je serais l’initiateur, le dieu qui féconde.

Elle s’obstinait en sa pose de statue, les paupières et les doigts frémissants. Sous cette apparence rigide, il savait qu’une même fièvre brûlait son corps. Il le savait palpitant d’énergies sauvages. Avec lui, la lutte d’amour serait ardente et continuelle. Et, d’avance, il se voyait vaincu, anéanti de joie, brisé par cette créature aux bras puissants, à la jeunesse triomphante.

Il se disait souvent :

— Je souffre trop, je vais me tuer.

L’effroi du suicide le rejetait comme une bête fauve contre les griffes de fer qui lui barraient la route. Comment renverser tous ces obstacles ? Comment conquérir ce corps où résidait le bonheur ?

Il pensa au divorce. Que n’y avait-il pensé plus tôt ! L’issue était possible.