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annulait les jours de désaccord. L’heure ressuscita du premier aveu, si charmante et si solennelle, et Bertrande pensa comme alors :

— Je vous aime, Marc, je vous aime.

Plus rien ne les séparait. Il oubliait que sa joue reposait sur la poitrine d’une femme et que l’odeur qu’il respirait émanait de ce corps si follement convoité. L’harmonieuse amie l’avait fait rentrer dans le vrai chemin de l’amour.

Un bruit les désenlaça. Quelqu’un passait qui ne les vit point. L’éloignement des pas accrut leur solitude. Dans l’espace restreint qui les enfermait, sous la voûte des pins, entre la muraille circulaire des rochers, ils étaient seuls. Et ce coin devenait le monde pour eux. Ils l’emplissaient de leur âme éparse, répandue autour des arbres, pâmée sur le calice des fleurs balancée avec la palme des feuilles, mêlée à l’air subtil.

Se frayant une voie au milieu des pierres, l’eau de source apportait dans leur petit monde un peu de la vie extérieure. Et c’étaient quelques souvenirs et quelques rêves. Mais l’eau s’immobilisait en un lac sans rides, et le temps ne marchait plus, ils n’avaient pas d’autres idées que celles suggérées par leur béatitude ou par les menus et infinis spectacles qui les environnaient.

— Jamais nous ne retrouverons cela, se dit Hélienne, je ne sais plus où finit mon âme et où commence la sienne.

Une telle sensation de foi et d’intimité l’envahissait qu’il eût voulu la traduire en effusions.

— Si je lui racontais mon crime…

Cette envie ne lui parut pas monstrueuse. Il n’aurait guère déployé plus d’efforts pour en faire le récit à Bertrande que pour en examiner les péri-