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trompeur de forêt. Marc entrevit le charme du pays.

Il accompagna les deux jeunes femmes à Pornic. Louise conduisait le panier. Il s’assit en face de Bertrande. Des vergers et des bouts de lande défilèrent. Marc comprenait de plus en plus.

Au dîner, chez les Altier, les bonnes gens entamèrent l’éloge de M. Berjole auquel ils avaient tenu compagnie l’après-midi. Cette conversation assombrit Marc. Mme Altier ajouta :

— À propos, Bertrande, il se plaint de toi, voici trois jours que tu n’y as pas été.

Toute tristesse s’abolit en Marc.

On alla jusqu’à Gourmalon, une des petites plages de Pornic. D’âpres rochers l’encastrent. La mer s’y brisait et des ténèbres épaisses engloutissaient l’espace.

Étendu près de la jeune fille, Hélienne fut sur le point de faire allusion à l’autre soir. La phrase se coordonnait. Mais une sorte de pudeur le réduisit au silence. Puis c’étaient déjà de vieilles sensations, et de plus fortes les remplaçaient, car la présence de Bertrande donnait aux bruits et aux spectacles les plus ordinaires la valeur de choses presque surnaturelles.

Il la vit chaque jour. Il n’aurait pas pu ne pas la voir chaque jour. Et cependant il ne se rendait pas compte qu’il obéissait à un besoin irrésistible.

Du reste, il avait cessé de réfléchir. Les pensées lui arrivaient toutes faites, non préparées par un effort, non déduites les unes des autres. Elles s’imposaient comme des constatations évidentes, avec une énergie d’axiomes. Et son cerveau les enregistrait.