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dividus dont les habitudes et les occupations convenaient plus spécialement aux siennes. Il les décora du nom d’amis. Avec eux, il fut un assidu des premières, des ouvertures d’exposition, des assauts d’escrime.

Entre temps, il reprit sa théorie du remords. La qualité des idées ne se distinguant pas sous la vulgarité des images et sous la lourdeur du style, il la déchira et se remit au travail.

Cette fois, il fut persuadé de la réussite. Et dans son enthousiasme, il appela sa femme.

Les phrases se déroulaient harmonieusement. Il se berçait à leur rythme. À la fin d’une période superbe, il leva les yeux sur Louise. Elle écoutait péniblement ; et, tout en poursuivant sa lecture, il pensait :

— Qu’est-ce que je fais ? Quel besoin ai-je de l’avis de cette femme ? elle ne comprend pas un mot.

Et lui-même, il ne comprenait pas grand’chose, tellement les ténèbres s’épaississaient.

Voulant réagir contre l’influence malsaine qui pouvait émaner de sa femme, il tenta de lui inculquer des notions d’art. Il la traîna devant les toiles des maîtres, et lui signalait ce qu’on y admire. En même temps, sûr de son propre goût, il implorait le frisson. Le frisson ne venait pas, ce dont il accusait Louise qui étouffait derrière son manchon des bâillements irrespectueux.

L’amour de la musique germait en lui. Aussitôt, il entreprit chez sa femme une culture simultanée. L’échec fut analogue.

— À quoi donc s’intéresse-t-elle ? Autour de quel pivot tourne la monotonie de cette existence ?