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Comme une cuirasse inutile, il rejeta sa défiance. Entre ces murs, près de ce lit, sous le regard profond des deux fenêtres où scintillait la pupille des étoiles, il se sentait calme, tranquille comme un hôte bien reçu. L’atmosphère était affectueuse. Il pouvait reposer en pleine paix.

Soudain la vérité éclata. Et dans la grande lueur qui baigna les champs de sa pensée. Marc s’écria :

— Ah ! çà, voyons, de quoi ai-je peur ? Ce fameux ennemi dont je rabâche stupidement quel est son nom ? Selon toute probabilité, je désigne le souvenir de mon crime, le souvenir créateur du remords. Mais ce souvenir existe-t-il ? Peut-il exister ? Est-ce que j’en trouve le moindre indice au milieu de tous ceux qui m’attaquent depuis tantôt ?

Non, il s’en rendit compte. Tous, ils parlaient d’incidents relatifs au crime, pas un du crime lui-même. Là-haut, ici, dans la maison, dans le jardin, il avait conçu et préparé l’attentat : quoi d’étonnant si, devant la plate-bande, devant le livre recéleur, devant l’horloge muette, devant la porte mystérieuse, se ruait sur lui le souvenir des heures atroces où s’élaboraient cette conception et cette préparation ? Au creux de la vallée, alors qu’il marchait vers la terrible certitude comme un martyr que des griffes écorcheraient, des gouttes de son sang avaient mouillé les épines des taillis et la poussière des chemins : comment le souvenir du supplice ne l’aurait-il pas assailli ?

Ainsi, il se rappelait les choses précédant ou suivant le crime, il ne se rappelait aucune l’accompagnant. Il pouvait dire : « J’ai fait ceci avant, j’ai fait cela après. » Mais pendant ? Un souve-