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séder cette femme, et surtout de la posséder à lui seul ? Où est la lâcheté de partager une fille que l’on n’aime pas avec un homme que l’on méprise !

Enfin, il n’ignorait point qu’Élisabeth donnât de l’argent à Frédéric. Il ne s’en souciait guère. Un jour, las de son existence actuelle, et curieux d’une autre plus profitable, il découvrait cette infamie et s’en indignait vertueusement.

Comme de coutume, Marc s’évada de ses filets d’hypocrisie avec un certain effarement d’avoir été joué de si absolue manière, et une certaine admiration pour l’ingéniosité de ses ruses. Il se tâtait :

— Est-ce que je souffre ? Mon Dieu, non. À mon insu, j’avais peint sur ma chair une plaie affreuse. Je me désolais d’être ainsi déchiqueté. Mais l’artifice est soupçonné, la plaie se nettoie. Dois-je persister en ma désolation ?

Vers le soir il écrivit :

« Voici deux ans. Nulle attaque de l’ennemi. Je puis user de franchise envers moi-même. Suis-je à l’abri de toute inquiétude ? Je l’espère. Néanmoins, je ne désarmerai qu’après une épreuve concluante, téméraire même, où la loyauté sera indispensable. »

Le surlendemain, il descendait au Havre. Une voiture le conduisit à Saint-Martin-du-Bec.

Le printemps balbutiait. Les arbres se couronnaient de fleurs roses ou blanches. Marc se sentit pur. La douceur des choses est un auxiliaire contre le mensonge. En toute sincérité, il se laissa libre de connaître les impressions qu’il éprouverait. Et anxieux, penché sur lui, il s’interrogeait minutieusement.

En approchant, son cœur battit. Il eut