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de ma tranquillité. Des distractions nombreuses constitueront ma première défense contre les attaques de l’ennemi. Donc, j’emploierai l’hiver et le printemps à me divertir. Ainsi s’évanouiront peu à peu, par satiété, et sans que je n’aie plus jamais à m’en soucier, les instincts inférieurs qui peuvent se cacher en moi. »

Ce programme fut épinglé sur le mur de sa chambre durant plusieurs jours. Marc s’asseyait en face de lui et le contemplait indéfiniment. Il n’y réfléchissait plus, le sachant infaillible, mais il en étudiait les mots, les lettres, la forme de chacune, ses déliés et ses jambages. La physionomie de ce papier s’imprima de la sorte dans son esprit comme dans de la cire.

Dehors, il l’emportait au fond d’une poche et le serrait vigoureusement contre sa poitrine pour l’entrer davantage en lui, comme un cilice bienfaisant. Puis il le brûla, mais la page s’évoquait intégralement devant la volonté de ses yeux.

Dès le premier jour, Hélienne résolut de remplir son engagement. Il mit son pardessus, son chapeau, et sortit avec la mine déterminée d’un monsieur qui se rend à ses affaires. Il se rendait, lui, à ses plaisirs.

Dans la rue, il fut fort embarrassé. De quel côté les trouve-t-on, les plaisirs ? Se fiant à sa chance, il descendit vers les boulevards. Du monde et de la lumière les animaient.

— Comme c’est gai, se dit-il.

Il admira l’aisance des gens qui se promènent. Le gaz des vitrines le réjouit. Les mains derrière le dos, il flâna, tâchant de prendre des allures indifférentes, car il se sentait emprunté et