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Après quelques minutes de silence respectueux, le notaire déclara :

— Votre père, Monsieur, n’a pas fait de testament, malgré la décision formelle dont il m’avait entretenu. La fatalité ne lui en a pas octroyé le loisir.

« La première hypothèse tombe, » pensa Marc avec un grand soulagement.

Il haussa les épaules avec un air désintéressé :

— Bah ! pour une bicoque et trois arpents de terre…

— C’est ce qui vous trompe, Monsieur. Votre père, guidé par des raisons qu’il ne m’a pas communiquées, dissimulait l’importance de sa fortune qui consistait en rentes sur l’État et en vastes propriétés de rapport sises en pays de Caux. Vous héritez de la totalité de ces biens.

Marc sentit que la première moitié de sa vie s’arrêtait à cet instant précis. La journée de Saint-Martin-du-Bec avait laissé les choses en suspens. Celle-là condamnait hermétiquement la porte du passé et ouvrait toute grande la porte de l’avenir.

Scrupuleusement, et pour la dernière fois, espérait Marc, il exécuta les grimaces de circonstance, ébahissement du visage, oppression de la poitrine, recherche des motifs qui expliquaient de telles cachotteries ! « … Riche… lui… comment… pourquoi ce mystère à mon égard ?… » Puis adoptant une posture accablée, il écouta les éclaircissements du notaire.

Au Havre, pour la satisfaction enfantine de réaliser immédiatement un désir quelconque, Marc rendit visite à la fille. Elle lui parut laide, disgracieuse et malpropre. Il n’en avait plus envie. Il s’en alla.