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la fortune de m. fouque

neux, des œufs à la neige, son mets préféré, un mets qui n’apparaissait qu’aux jours de fête et aux anniversaires. Il en emplit son assiette et même en redemanda.

Cette attention le touchait et, reconnaissant, il eut envie de remercier sa femme. Mais une autre surprise survint qui l’en empêcha.

C’était, dans un panier étroit et de forme allongée, une demi-bouteille de Bourgogne, sale, moisie, poussiéreuse, avec une étiquette en lambeaux, où l’on déchiffrait : « Pontet-Canet ». Il en possédait ainsi, au temps de son mariage, une douzaine. Depuis il n’en avait bu que deux, sa femme gardant les clefs de la cave.

Et ce fut pour lui une joie profonde de déboucher cette bouteille, de glisser le panier jusqu’à son verre, puis de saisir son verre plein, de le réchauffer entre ses mains croisées, de le lever, de le pencher et d’admirer le liquide aux reflets de rubis rouges et sombres. Ensuite il l’approcha de ses lèvres et le dégusta, à gorgées espacées, en ouvrant largement les narines et en faisant claquer sa langue contre son palais.

Sa femme l’examinait et souriait en elle, d’un