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la fortune de m. fouque

les quelques nuages gris qui tachetaient le grand ciel pur.

Le repas fut long, copieux et solennel. Après la soupe, on servit du poisson, puis du poulet, du foie gras et de la salade.

M. Fouque avait faim et mangeait de bon appétit. Julie, d’abord tremblante, se rassurait peu à peu, et, plusieurs fois, elle entama la conversation d’un ton engageant. Mais son mari semblait ne point l’entendre. Il épluchait soigneusement une aile de volaille ou nettoyait la terrine de pâté. Il avalait les bouchées sans hâte, avec respect, d’un mouvement continu et régulier. Son courroux se dissipait, il savait gré à sa femme de ce menu composé de ses plats favoris. Parfois, pour se reposer, il se renversait sur sa chaise, se balançait, et si ses yeux rencontraient ceux de Julie, il se composait une expression dure et impitoyable. Rougissante, elle détournait la tête, et lui se calmait subitement.

Soudain Victorine, la bonne, apporta triomphalement un plat, surmonté d’une cloche en argent. Elle ôta le couvercle. Le regard de M. Fouque s’enflamma. Au milieu d’une crème au café, bien claire, nageaient, blancs et flocon-