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le devoir

scène d’amour qu’ils avaient surprise, se représentait à eux. Ils n’y pensaient point, ils en voyaient les diverses phases, tandis qu’on leur esprit roulaient des idées tristes et de mornes souvenirs. Les choses du passé les assaillaient, non de leur passé commun, mais de leur vie particulière depuis leur séparation. C’était des faits insignifiants ou douloureux, des suites de mois vides, des années entières d’écœurement et d’ennui.

Puis Chabreuil se plaça devant Mme Heuzé et, découvrant en partie la cause de leur souffrance, il prononça :

— Lucienne, ils sont heureux, ceux-là. Il leur suffit de s’aimer et d’être l’un à l’autre. Qui sait si, plus tard, ils ne se rencontreront pas avec plaisir, comme deux êtres qui ont eu raison d’agir ainsi et qui sont contents d’eux-mêmes !

Elle l’interrompit :

— Ah ! taisez-vous, Henri, taisez-vous ; c’est mal ce que vous dites là, vous n’avez pas le droit de le dire. Ils ont tort, n’est-ce pas, ils ont tort ?

Cette demande acheva d’éclairer Chabreuil, et il s’écria violemment :

— Eh bien, non, ils ont raison, cent fois rai-